Cuba, quelle est la réalité de ce pays et le quotidien de ses habitants

  • Post category:Voyage
Le drapeau de la ville de Cuba

Oubliez les cartes postales, les plages paradisiaques et les mojitos. Cuba possède son revers de médaille. En particulier, Yoani Sánchez le décrit comme seuls les Cubains peuvent le faire. Elle nous amène doucement, à comprendre la frustration de toute une génération, celle née depuis les années soixante. Elle nous révèle la face cachée d’un système que l’auteure ne cesse de remettre en question en utilisant son meilleur atout, l’écriture. En fait, Yoani Sánchez exerce de façon brillante ce qui devrait aller de soi partout dans le monde, mais qui est brimé dans cette île où l’État contrôle tout ce qui peut être dit et écrit : sa liberté d’expression. Elle nous fait découvrir ce que souvent nous ne voulons (ou ne pouvons) pas voir.

Comment pouvoir témoigner de tout cela. Comment pouvoir montrer, démontrer, à ceux qui vivent dans un État de droit, à ceux qui sont protégés par une constitution, à ceux qui savent ce qu’est la civilisation, qui peuvent se réclamer des lois, qui peuvent compter sur la logique de la raison s’ils font un plan, attendre une récompense s’ils se sacrifient. Comment leur expliquer, leur faire voir, ce qu’est réellement l’injustice, le fanatisme, la misère, la répression, la terreur… 

Un agent de la police cubaine

Aucun livre, aucune phrase, rien ne pourra faire comprendre à ceux qui ne subissent pas cela, que le simple fait de rêver ou de réfléchir peut sembler ridicule et dangereux dans une région où se procurer une boîte de lait relève de l’héroïsme !

Voiture cubaine rouge

Au pays de Raul Castro, on a parfois l’impression que le temps s’est arrêté dans les années 1960. Les réformes engagées depuis une décennie ont contribué à modifier le paysage cubain, mais sans parvenir à donner un nouveau rythme à l’île caribéenne.

Devant les bâtiments délabrés du centre-ville, une scène typique : les joueurs de dominos sont attablés sur le trottoir sous l’œil de riverains accoudés à leur balcon, à peine troublés par le bruit des moteurs bricolés de vieilles américaines. Cette vision indolente et surannée de la vie cubaine, qui ravit les touristes, est souvent associée au système communiste dans un pays où la file d’attente est devenue un art de vivre et la lourdeur bureaucratique une fatalité. Ils vivent au ralenti, à cause du tempo imprimé par le socialisme, parce qu’ici le temps n’est pas précieux. Ici, très peu de personnes produisent pour elles-mêmes.

Il n’y a pas d’horaires, pas de rituels, on ne doit jamais arriver nulle part dans l’urgence, les problèmes de transport transforment les Cubains en personnes officiellement non ponctuelles, figées dans l’immobilité de Cuba.

Le subconscient de tout Cubain est une salle d’attente, ils ont appris à attendre sans qu’ils s’en rendent compte, surenchérit Alejandro Campins, artiste plasticien cubain qui a fait de la léthargie de l’île un de ses thèmes favoris.

Un vendeur de tableau dans un ruelle à Cuba

Le fait de faire la queue « est dans notre ADN. Accéder facilement à un service, à de la nourriture, ce genre de choses, est toujours un problème », confirme Daniel, agent portuaire de 36 ans habitué des nombreuses files d’attente du centre-ville de La Havane.

Immense affiche cubaine

Les communications aussi posent un problème à Cuba. N’importe qui de nos jours, en Europe, échange par Skype, Facebook, Google ou tout autre moyen de communication, mais ici tous ces sites sont prohibés. À Cuba, très peu de foyers ont accès à Internet, seuls les plus aisés peuvent se l’offrir, avec un débit incroyablement bas. Certains cybers proposent l’accès au web, mais les Cubains ne roulant pas sur l’or, dépensent rarement pour ce service. 

Le seul moyen pour échanger par email (interdiction de toute pièce jointe) est d’acheter une carte télécoms et de se mettre comme toute la population à proximité d’un spot wifi gouvernemental, assis sur un trottoir avec son smartphone, sa tablette ou son ordinateur portable et beaucoup de patience. De même, pas de possibilité d’un accès à un site marchand comme Amazon ou autre pour commander son livre préféré. Seules quelques librairies ou bibliothèques pourront vous procurer leur littérature officielle.

Évolution de la littérature cubaine

C’est une continuité, voire une contiguïté viscérale, qui régit la culture cubaine de la fin du XXe siècle et des débuts du XXIe. Une unité par-delà les affrontements de toute nature, constituée d’un attachement culturel et affectif à une identité, une « cubanité ».

La narration imaginative (conte et roman) connaît une revitalisation du roman et un maintien de l’engouement pour le conte. À noter que la majeure partie de la production est assurée par une littérature cubaine en exil. D’un point de vue stylistique, certains auteurs abandonnent le processus révolutionnaire pour se consacrer au roman de science-fiction, humoristique, ou plus rarement au roman policier.

Mais l’auteur qui a marqué les Lettres cubaines reste Alejo Carpentier (El siglo de las luces, 1962 ; El recurso del método et Concierto barroco, 1974). D’autres auteurs tels que Guillermo Cabrera Infante (1929), Severo Sarduy (1937) ou Dulce María Loynaz (1902) ont également acquis une grande notoriété au point de devenir des piliers de la littérature cubaine contemporaine.

Plusieurs écrivains cubains ont été persécutés sous le régime castriste : peu de temps après la Révolution, le journal Lunes de Revolución fut interdit et ses écrivains gays publiquement dénoncés et renvoyés. Le dramaturge Virgilio Piñera fut arrêté pour délit d’homosexualité en 1961 et son œuvre censurée par le régime. Reinaldo Arenas (1943-1990) fut également persécuté, interné dans une unité militaire d’aide à la production (camp de travail) et emprisonné en raison de son homosexualité. 

Une librairie à Cuba

En 1971, le poète Heberto Padilla fut arrêté et emprisonné par la Sécurité de l’État et fut contraint de se livrer publiquement à son autocritique. María Elena Cruz Varela fut obligée d’avaler ses poèmes en présence de sa fille puis fut emprisonnée pendant deux ans (1991-1993)

Vie quotidienne

Une rue animée dans Cuba

Des centaines de jeunes vendeurs arpentent les rues de La Havane et proposent des cigares, des journaux, des fleurs, cirent les chaussures, aiguisent les couteaux… Cuba, et tout particulièrement La Havane, vit aujourd’hui dans une immense pénurie (marché noir en dollar, cartes de rationnement, prostitution…). 

Même si la Libreta assure le SMIC alimentaire à chaque Cubain, manger est la première préoccupation de la majorité des Havanais. Sans Libreta, carte de rationnement qui impose des restrictions sur l’huile, le riz, le café… il n’est pas possible de subsister. Avec l’équivalent de quelques dollars pour unique salaire mensuel, il est difficile de vivre tous les jours, de payer le logement. Alors Cuba est devenue la capitale de la débrouille et de l’invento, un mode de vie où il faut resolvar, résoudre tous les problèmes du quotidien. La vie des Cubains est donc rythmée par les contraintes de la pénurie : manque de produits de première nécessité, surtout alimentaires, coupures d’électricité, restriction sur l’essence…

Avec l’arrivée des touristes, les Cubains ont appris à vivre avec des pesos en poche et à espérer en dollars. Sur l’ensemble du territoire cubain et de ses villes, on propose aux étrangers des cigares, des chambres chez l’habitant (Casas particulares), des restaurants privés, paladares et des ravissantes jeunes filles de compagnie même si le tourisme sexuel n’est pas manifeste dans les rues et sur le Malecon de La Havane… En fait, les hommes cubains sont davantage mis à contribution par les jeunes et moins jeunes femmes célibataires ou mariées qui viennent spécialement d’Europe pour assouvir leurs besoins de romance et de câlinerie.

Concert typique à Cuba
Très beau tableau cubain

L’ambiance est donc très agréable. La musique cubaine est spécialement concoctée pour les touristes installés aux terrasses. Chaque rue ou édifice devient en journée le théâtre d’un spectacle permanent. Un lieu idéal pour ceux-ci qui n’ont rien à craindre pour leurs biens et personnes. Les potentiels délinquants sont dissuadés, car, même au moindre larcin, ils risquent une peine souvent démesurée avec les lois et sanctions cubaines qui les conduisent rapidement à l’ombre ou en « maison d’éducation » pour quelques décennies.

Pour le reste, le niveau culturel et éducatif de la population est exceptionnel. Les jeunes comme les adultes et moins que les anciens possèdent une culture encyclopédique et une curiosité naturelle. Chaque enfant est scolarisé dès l’âge de cinq ans et jusqu’à dix-sept. Au-delà, le choix entre les hautes écoles et l’université est offert. Les moins studieux partent à l’armée.

Affiche de propagande à Cuba

Contrairement à ce qu’indique la propagande, le système de santé est à double vitesse. Les soins dans les hôpitaux parfois en piteux état sont alors dispensés dans des conditions d’insalubrité, même si Cuba exporte son précieux savoir-faire médical au Venezuela contre des livraisons de pétrole.

Cependant, la plus grosse souffrance des Cubains réside bel et bien dans le manque de liberté. Ils passent leur vie à rêver d’un autre horizon, s’en faisant une image à travers la télévision et les journaux. Même si ceux-ci ne leur montrent qu’une vision déformée du monde capitaliste, la censure étant omniprésente. Malheureusement, le seul moyen légal de sortir de l’île étant d’épouser un(e) touriste, beaucoup de mariages blancs sont célébrés, pas toujours à la connaissance du premier intéressé. Car, oui, difficile lorsque l’on établit une relation avec un Cubain, de savoir réellement s’il s’agit d’un amour véritable ou d’une opportunité d’évasion.

L’éducation est très importante à Cuba, tout comme les études supérieures, mais rares sont ceux qui obtiennent une vie professionnelle aisée par la suite. Que vous soyez médecin, ingénieur ou ouvrier, votre salaire sera sensiblement le même. Si le communisme offre un peuple sans clivage, c’est malgré tout la recherche d’une bonne situation qui pousse en partie les enfants et les adolescents à réussir à l’école. Mais beaucoup renoncent à cette perte de temps et cumulent les petits boulots dès leur plus jeune âge pour subvenir aux besoins de leur famille.

Par exemple, un Cubain nommé Sergio a suivi les cours d’une école d’art à Cuba. Néanmoins, il ne peut pas vivre de son diplôme. En effet, il n’a pas assez d’argent pour s’acheter de la terre glaise à sculpter, et il n’a aucunement envie de vendre des tableaux sans originalité du fait de la censure sur les œuvres d’art. Résultat, aujourd’hui il travaille dans un bar comme serveur. Cuba, cette île où tant de personnes cultivées ne peuvent pas user de leur formation pour vivre convenablement…

façade colorée Cubaine

ERNEST HEMINGWAY (1899 – 1961) incontournable du paysage cubain.

ERNEST HEMINGWAY incontournable visage de Cuba

Ernest Hemingway, lauréat du Prix Nobel de littérature et du Prix Pulitzer, est un écrivain mythique de par son œuvre autant que par sa vie. Il a en effet dû vivre avec le suicide de son père, la participation à trois guerres et la dissolution de trois mariages pour écrire ce que d’aucuns considèrent aujourd’hui comme des chefs-d’œuvre : Le Soleil se lève aussi, L’Adieu aux armes, Les Neiges du Kilimandjaro, Pour qui sonne le glas et bien entendu Le vieil homme et la mer.

 

Pendant le printemps 1928, Ernest Hemingway a foulé pour la première fois la terre cubaine. Il arrivait en provenance de la France sur le vapeur Orita. Une brève escale à La Havane décida de son avenir, parce que le déjà fameux auteur de « l’adieu aux armes » fut subjugué par la ville qui serait le témoin de ses aventures pendant plusieurs années.

Suite à cette escale, le jeune Hemingway contempla Cuba d’abord de la Floride, à Key West, où il s’établit en 1928 pour s’adonner à l’un de ses sports favoris : la pêche au gros.

Quatre ans plus tard, en 1932, l’écrivain retourne à La Havane et loue une chambre à l’hôtel Ambos Mundos. C’est là qu’il écrira « Pour qui sonne le glas » et de nombreux articles pour des revues américaines. Situé au cœur de La Habana Vieja, l’hôtel est un trésor d’architecture éclectique à l’ambiance intime. Sa chambre, la n.511, dans laquelle il écrivit les premiers chapitres de « Pour qui sonne le glas », a été transformée en musée et constitue un lieu de pèlerinage pour les touristes fans de l’écrivain.

ERNEST HEMINGWAY à la havane

L’écrivain Lisandro Otero révéla d’Hemingway qu’il avait découvert à Cuba le goût de l’avocat, l’ananas et la mangue. Ernest Hemingway parle de tout cela dans un article qu’il a intitulé « Espadons loin du Morro : une lettre cubaine », qu’il publia dans la revue Esquire. Son second séjour à Cuba eut lieu d’avril à juin 1932, le troisième un an plus tard. Pendant ce temps, il écrivit deux de ses meilleurs romans et s’aperçut que le climat cubain et ses activités sportives le stimulaient physiquement et mentalement. Il aimait à dire que Cuba « le remplissait de jus », ce qui était sa manière de dire qu’une grande énergie créatrice l’envahissait.

Une finca typique à Cuba

Par la suite, Hemingway et sa femme Martha Gelhorn achèteront une « finca » de style colonial qui verra passer quantité d’artistes, dont Gary Cooper, Ava Gardner… On ne peut suivre les traces d’Hemingway sans visiter cette superbe demeure qu’il acheta grâce aux droits de l’adaptation cinématographique de « Pour qui sonne le glas ». Elle se visite uniquement de l’extérieur, depuis que le président Gorbatchev y cassa un vase lors de sa visite dans les années 90, mais l’intérieur est facilement visible grâce aux nombreuses fenêtres et baies vitrées grandes ouvertes.

On y plonge dans l’univers du Prix Nobel et on peut découvrir entre autres ses trophées de chasse en Afrique, sa précieuse machine à écrire, une multitude de livres dans tous les coins, les tombes de ses 4 chiens et son yacht le Pilar à bord duquel il avait pour habitude de partir à la pêche au marlin.

La Finca « la Vigia » se trouve à une quinzaine de kilomètres au Sud est de La Havane, à San Francisco de Paula. Elle est nichée au cœur d’un parc luxuriant qui surplombe la vallée et offre une magnifique vue sur La Havane avec, au loin, la mer. Elle abrite aujourd’hui le musée Ernest Hemingway. Ce havre de paix, où il composera nombre de romans et nouvelles, l’écrivain ne le quittera qu’en 1960, lorsque les relations seront rompues entre les États-Unis et Fidel Castro. Son départ n’avait alors rien de définitif, mais la crise des missiles en a décidé autrement. Un an après, l’auteur du « Vieil Homme et la mer » se tuera d’une décharge de fusil de chasse.

Ernest Hemingway, bien qu’Américain, n’appartient pas aux yeux des Cubains aux Yankees et autres impérialistes régulièrement dénoncés à La Havane.

Photo prise à la Havane
cocktail et fête à Cuba

Il aimait la littérature, mais aussi la fête et l’alcool, trois passions auxquelles il s’adonna sans réserve dans le périmètre magique de la vieille Havane. Pour l’alcool, Hemingway avait ses habitudes à La Bodeguita del Medio. C’est devenu depuis un lieu emblématique de la capitale de Cuba, grâce à lui. Tout comme lui, on peut y siroter la spécialité de la maison, un mojito, ce cocktail à base de rhum cubain, de jus de citron, de sucre et de menthe écrasée.

Laisser un commentaire